Règles militaires de la preuve (C.R.C., ch. 1049)
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Règlement à jour 2024-10-30; dernière modification 2024-08-19 Versions antérieures
Règles militaires de la preuve
C.R.C., ch. 1049
Règlement concernant les règles de la preuve aux procès devant une cour martiale
Titre abrégé
1 Le présent règlement peut être cité sous le titre : Règles militaires de la preuve.
Interprétation
2 (1) Dans les présentes règles, à moins que le contexte ne s’y oppose,
- accusé
accusé ou prévenu signifie l’accusé en personne ou son procureur, ou un officier qui défend un accusé, mais ne comprend pas un conseiller agissant pour le compte de ce dernier; (accused)
- admissible
admissible ou recevable signifie admissible ou recevable comme preuve; (admissible)
- aveu
aveu signifie une déclaration faite par un prévenu, que ce soit avant ou après qu’il ait été accusé d’une infraction, qui renferme complètement ou partiellement une incrimination de soi-même en ce qui concerne l’infraction dont il est accusé; (confession)
- connaissance judiciaire
connaissance judiciaire signifie l’acceptation par une cour de la véracité d’un fait ou d’une question sans exiger de preuve pour en démontrer la véracité; (judicial notice)
- copie conforme
copie conforme signifie une copie tenue pour avoir été comparée avec l’original et qui correspond à ce dernier; (examined copy)
- crédibilité
crédibilité signifie le degré de créance que la cour doit donner à la déposition d’un témoin; (credibility)
- déclarant
déclarant désigne la personne qui fait en premier lieu une déclaration sur la foi d’autrui; (declarant)
- déclaration extrajudiciaire
déclaration extrajudiciaire désigne, dans des procédures devant une cour martiale, une déclaration sur la foi d’autrui faite par un déclarant, autrement que dans le cours desdites procédures ou dans le cours de la réception d’une preuve sur commission pour cette cour martiale, et comprend
a) des paroles ou des écrits utilisés par lui,
b) l’adoption, de quelque manière, en totalité ou en partie, de mots significatifs prononcés par une autre personne, comme étant l’expression exacte des propres observations ou de la propre expérience du déclarant, et
c) l’expression, d’une manière intelligible, des observations ou de l’expérience du déclarant; (extra-judicial statement)
- déclaration renfermant une incrimination de soi-même
déclaration renfermant une incrimination de soi-même signifie une déclaration de l’accusé qui, si elle était admise comme preuve et tenue pour juste en tout ou en partie, tendrait directement ou indirectement à prouver la culpabilité de l’accusé; (self-incriminating statement)
- document public
document public comprend une déclaration par écrit faite dans un but officiel par un fonctionnaire public ayant la mission ou l’autorité de faire la déclaration; (public document)
- entreprise
entreprise signifie tous genres d’affaires, toute occupation ou tout métier, et comprend l’existence d’une profession ainsi que l’exploitation d’un institut et de tout genre d’institution, qu’ils soient exploités à des fins lucratives ou non; (business)
- fardeau de la persuasion
fardeau de la persuasion signifie l’obligation de convaincre la cour de l’existence ou non-existence, ou de l’existence ou non-existence probable, d’un fait quelconque; (burden of persuasion)
- fonctionnaire public
fonctionnaire public désigne une personne ayant légalement la mission ou l’autorité de faire des déclarations officielles, laquelle mission ou autorité est expressément imposée ou conférée par une loi, un règlement ou des instructions spécifiques, ou relève implicitement de la nature de ces fonctions parce qu’elle est fonctionnaire du gouvernement du Canada, du gouvernement d’une province canadienne, d’une municipalité canadienne, ou parce qu’elle est membre des Forces canadiennes; (public officer)
- opinion
opinion désigne l’interprétation de la signification à certains égards d’un fait donné, ou toute déduction qui peut en être tirée; (opinion)
- Ordonnances et Règlements royaux
Ordonnances et Règlements royaux ou ORFC désigne les Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes; (Queen’s Regulations and OrdersorQR&O)
- présomption réfutable de droit
présomption réfutable de droit signifie une présomption autorisée par la Loi sur la défense nationale, le Code criminel ou toute autre loi du Parlement du Canada, à l’effet que, sur preuve d’un certain fait ou d’une série de faits, un autre fait existe, à moins qu’une preuve du degré requis par la loi ne rende son existence invraisemblable; (rebuttable presumption of law)
- preuve
preuve désigne tout ce qui a une tendance rationnelle et significative à rendre une chose manifeste; (evidence)
- preuve directe
preuve directe désigne la preuve tendant directement à établir l’existence ou la non-existence d’un élément de l’infraction faisant l’objet de l’accusation; (direct evidence)
- preuve par présomption
preuve par présomption signifie la preuve tendant à établir l’existence ou la non-existence d’un fait qui ne constitue pas l’un des éléments de l’infraction faisant l’objet de l’accusation, lorsque l’existence ou la non-existence de ce fait entraîne raisonnablement une déduction concernant l’existence ou la non-existence d’un fait qui constitue un des éléments de l’infraction visée; (circumstantial evidence)
- preuve pertinente
preuve pertinente signifie la preuve se rapportant à un fait en litige au procès, et comprend la preuve qui tend à établir le bien-fondé ou l’exactitude de la preuve directe ou de la preuve par présomption; (relevant evidence)
- preuve réelle
preuve réelle désigne toute preuve fournie par des objets matériels, lorsqu’ils sont offerts à la perception directe de la cour; (real evidence)
- procès
procès signifie un procès devant la cour martiale; (trial)
- témoin expert
témoin expert désigne un témoin compétent aux termes de l’article 81; (expert witness)
- témoin ordinaire
témoin ordinaire désigne un témoin qui atteste des faits qu’il a observés ou dont il a eu l’expérience, mais qui ne témoigne pas comme expert dans l’affaire en cause; (ordinary witness)
- témoin rapporteur
témoin rapporteur désigne un témoin à qui il est permis de citer une déclaration extrajudiciaire. (reporting witness)
(2) Sauf prescriptions contraires, ou à moins que le contexte ne s’y oppose, les mots et les phrases utilisés dans les présentes règles ont le même sens que dans la Loi sur la défense nationale et les Ordonnances et Règlements royaux.
Application
3 Les présentes règles s’appliquent à toutes les procédures devant la cour martiale, et l’endroit du territoire où siège la cour martiale ne modifie en rien leur application.
Cas non prévus
4 Lorsque, dans un procès, surgit, en ce qui concerne la loi sur la preuve, une question qui n’est pas prévue dans les présentes règles, cette question doit être déterminée par la loi sur la preuve, dans la mesure où elle n’est pas incompatible avec lesdites règles, qui s’appliquerait à l’égard de la même question devant un tribunal civil siégeant à Ottawa.
Fonctions du juge-avocat en vertu des règles
5 (1) Sous réserve du paragraphe (2), lorsque le juge-avocat a le pouvoir ou l’obligation en vertu des présentes règles de déterminer une question, ce pouvoir ne peut être exercé et cette obligation ne saurait être remplie qu’en conformité de l’article 112.06 des ORFC.
(2) Si le juge-avocat n’a pas reçu instructions du président d’entendre et de déterminer une question, ou s’il n’y a pas de juge-avocat, la cour doit entendre et déterminer la question.
Effet du défaut de se conformer aux règles
6 Une conclusion adoptée ou une condamnation prononcée par une cour martiale n’est pas invalide pour l’unique motif qu’elle dévie des présentes règles ou manque de s’y conformer, sauf s’il appert que cette déviation ou ce manquement a causé une importante erreur judiciaire.
PARTIE IPreuve en général
SECTION IAdmission de la preuve en général
Admission de la preuve
7 Sous réserve de l’article 4 et sauf prescriptions des parties III et IV, la cour ne doit pas recevoir de preuve non pertinente mais doit admettre et prendre en considération toute preuve pertinente.
Nécessité de la preuve
8 Sauf pour les faits dont elle a pris judiciairement connaissance en vertu de la section III, la cour ne doit pas prendre un fait en considération, à moins que la preuve de ce fait n’ait été présentée de l’une des manières suivantes :
a) par la déposition orale d’un témoin devant la cour conformément aux parties III et IV;
b) par la production et la lecture ou l’inspection de documents devant la cour, conformément aux parties III et IV;
c) par l’inspection ou l’examen par la cour de la preuve réelle conformément à la partie IV;
d) par l’admission de la part du procureur à charge, au cours du procès, de l’existence d’un fait, aux fins de passer outre à la preuve de ce dernier, dont l’effet est de restreindre l’étendue des faits à prouver par la défense; et
e) par un aveu judiciaire conformément à l’article 37.
SECTION IIFardeau de la persuasion et présomptions réfutables de droit
Fardeau de la persuasion — règle générale
9 Nonobstant le fait que l’obligation de persuader incombe au procureur à charge ou à l’accusé, la cour ne doit pas reconnaître l’accusé coupable, à moins qu’elle ne soit persuadée, au-delà de tout doute raisonnable, de la véracité de chaque élément essentiel de l’accusation.
Le procureur à charge a l’obligation de persuader
10 Sous réserve de l’article 11, il incombe au procureur à charge de persuader la cour, hors de tout doute raisonnable, de la véracité de chaque élément essentiel de l’accusation.
L’accusé a l’obligation de persuader
11 (1) Lorsque l’accusé recherche l’acquittement en raison d’aliénation mentale, le fardeau de la persuasion lui incombe quant à l’existence du genre et du degré d’aliénation mentale nécessaires pour un acquittement.
(2) Lorsque, en vertu du Code criminel ou de toute autre loi du Parlement du Canada, l’accusé aurait, dans un procès pour une infraction criminelle devant un tribunal civil, le fardeau de la persuasion à l’égard d’un fait essentiel autre que l’aliénation mentale ou en sus de cette dernière, ce même fardeau incombe à l’accusé dans un procès devant une cour martiale comportant la même infraction et le même fait essentiel.
(3) Le fardeau de la persuasion incombe à l’accusé en vertu de la Loi sur la défense nationale, lorsque cette Loi le prescrit ainsi.
(4) Lorsque le fardeau de la persuasion incombe à l’accusé aux termes du présent article, la cour doit le considérer comme s’étant acquitté de ce fardeau, s’il établit la véracité ou l’existence probable du fait essentiel.
Obligation de produire la preuve
12 (1) L’obligation de produire la preuve d’un fait essentiel ou dans une question incombe en premier lieu à la partie qui a le fardeau de la persuasion relativement à ce fait ou à cette question.
(2) L’obligation de produire la preuve d’un fait essentiel ou dans une question passe à l’autre partie durant le procès, lorsque la partie qui a alors l’obligation de produire la preuve a
a) produit une preuve que des hommes raisonnables pourraient considérer comme ayant établi le fait en litige dans la mesure où ce fait doit être établi par cette partie; ou
b) établi le fait en sa faveur par une présomption réfutable de droit en vertu de l’article 13.
Présomptions réfutables de droit
13 Une présomption réfutable de droit s’applique dans un procès lorsque l’infraction à laquelle elle est applicable est en cause.
PARTIE IIConnaissance judiciaire
SECTION IIIConnaissance judiciaire
Restriction de la connaissance judiciaire
14 Sauf autorisation des présentes règles, une cour ne doit pas prendre judiciairement connaissance d’un fait ou d’une question.
Connaissance judiciaire requise
15 (1) Une cour doit, qu’elle en soit requise ou non par le procureur à charge ou l’accusé, prendre judiciairement connaissance de ce qui suit :
a) l’accession et le décès du souverain;
b) le titre et la signature du souverain;
c) la constitution du Canada;
d) le Grand Sceau du Canada;
e) les lois et résolutions du Parlement du Canada;
f) les lois et résolutions des législatures des provinces et des territoires du Canada;
g) les limites territoriales du Canada et des provinces du Canada;
h) l’existence d’un état d’urgence reconnu par le gouvernement du Canada;
i) l’élément ou l’unité en activité de service; et
j) le statut des gouvernements étrangers.
(2) Une cour doit, qu’elle en soit requise ou non par le procureur à charge ou l’accusé, prendre judiciairement connaissance de la teneur, mais non de la publication ou de la suffisance de leur notification, des proclamations, décrets du Conseil, ordonnances ministérielles, mandats, lettres patentes, règles, règlements ou statuts administratifs, établis, rendus ou émis directement sous l’autorité d’une loi publique du Parlement du Canada ou de la législature d’une province du Canada, y compris les ORFC mais non limités à ces derniers, ainsi que des ordres et instructions donnés par écrit par le chef de l’état-major de la défense ou en son nom sous le régime de l’article 1.23 des ORFC.
Connaissance judiciaire discrétionnaire
16 (1) Sous réserve de l’article 18, une cour peut, qu’elle en soit requise ou non par le procureur à charge ou l’accusé, prendre judiciairement connaissance de ce qui suit :
a) les rapports judiciaires renfermant des décisions, et leurs motifs, du Conseil d’appel des cours martiales et des cours d’appel mentionnées aux articles 201 et 208 de la Loi sur la défense nationale;
b) la Gazette du Canada et les gazettes officielles des provinces du Canada;
c) sous réserve de la section IV et de la preuve d’identité de la personne y nommée,
(i) les dossiers des conclusions adoptées et des condamnations prononcées par les cours martiales et dans les procès par voie sommaire, mais non de la preuve qui y a été présentée,
(ii) les registres concernant la manière dont on a disposé des appels des cours martiales ou des revisions des cours martiales ou des requêtes relatives à un nouveau procès, et
(iii) sous réserve de l’article 105, les certificats des tribunaux civils énonçant une infraction pour laquelle une personne a subi un procès, ainsi que le jugement ou l’ordonnance du tribunal en l’espèce;
d) les rapports, formules, documents, commissions et autres papiers officiels et ministériels censés avoir été imprimés par l’Imprimeur de la Reine, ou par l’Imprimeur de la Reine d’une province du Canada; et
e) les livres et autres publications, ainsi que leurs modifications, autorisés officiellement pour usage militaire.
(2) Sous réserve de l’article 18, une cour peut, qu’elle en soit requise ou non par le procureur à charge ou l’accusé, prendre judiciairement connaissance de ce qui suit :
a) toutes les questions comportant des connaissances militaires générales;
b) des faits particuliers et des propositions de connaissance générale qui, en raison de l’état du commerce, de l’industrie, de l’histoire, de la langue, de la science ou de l’activité humaine, sont, au moment du procès, si bien connus dans la collectivité où l’infraction est censée avoir été commise qu’ils ne peuvent faire l’objet d’une contestation raisonnable; et
c) des faits particuliers et des propositions de connaissance générale, dont l’exactitude ne fait pas l’objet d’une contestation raisonnable et qui peuvent être vérifiés immédiatement et fidèlement à des sources d’accès faciles.
Connaissance judiciaire sur demande
17 (1) Le procureur à charge ou l’accusé peut demander à la cour de décréter qu’un fait ou une question tombe sous l’article 15 ou 16, et, s’il en est requis par la cour, il doit fournir à cette dernière les renseignements touchant le fait ou la question.
(2) La cour doit donner à la partie adverse une occasion de faire opposition à l’octroi de la demande.
Détermination de l’opportunité de la connaissance judiciaire
18 (1) Lorsqu’une cour se propose de prendre ou semble prendre judiciairement connaissance d’un fait ou d’une question aux termes de l’article 15 ou 16, ou est requise d’en prendre judiciairement connaissance en vertu de l’article 17, le procureur à charge et l’accusé ont à la fois le droit de présenter officieusement des preuves et des arguments pour déterminer si la cour possède la compétence voulue pour prendre judiciairement connaissance ou s’il est opportun pour elle d’agir ainsi.
(2) Lorsque la cour ou le juge-avocat soulève une question quant à savoir s’il peut être pris judiciairement connaissance d’un fait ou d’une question en vertu de l’article 15 ou 16, le juge-avocat doit trancher la question, et sa décision est définitive.
(3) Lorsqu’il s’agit de déterminer s’il peut être pris judiciairement connaissance d’un fait ou d’une question, les membres de la cour et le juge-avocat peuvent consulter toute source de renseignements pertinents, y compris une personne, un document ou un livre, qu’ils soient fournis ou non par une partie, et faire usage des renseignements ainsi obtenus.
(4) Si les renseignements que possède la cour, nonobstant leur source, ne peuvent convaincre le juge-avocat qu’un fait ou une question tombe clairement sous l’application de l’article 15 ou 16, il doit décréter qu’il ne doit pas être pris judiciairement connaissance du fait ou de la question.
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